Jamais sans mon corps (suite)
On s’interroge. Existeraient-ils à notre insu des lieux insoupçonnés de notre corps, nerfs, muqueuses, zones érogènes, qui pourraient vibrer au toucher ou être excités par quelque fantasme que ce soit? En aurions-nous oublié?
Oh! Attention, dans ce petit pli adipeux du corps se cache peut-être un ADN mystérieux, plus volatile que les autres, pouvant mener plus rapidement à la jouissance totale. Et l’examen de conscience se poursuit : «Ai-je suffisamment écouté le monologue de mon clitoris pour connaître ses volontés, ses désirs, ses fantasmes ou encore ses soucis et ses peines?» « Ai-je vraiment mesuré la frustration de mon pénis devant tant de désirs ou de fantasmes non réalisés et auxquels il a droit, de même que sa déception de ne pas être aussi « performant» devant les nombreux défis de la vie sexuelle?» Après bien des efforts, j’ai finalement découvert mon point G, mais ai-je suffisamment travaillé pour découvrir les autres points A et C portés récemment à l’attention du monde entier par des spécialistes ? On s’en va vers l’infini en ce domaine. Une planète en suppose une autre, une galaxie une autre, et vogue la galère vers d’autres horizons érogènes prometteurs. L’imagination pour trouver de nouvelles façons de jouir et de nouveaux aphrodisiaques est sans bornes.
C’est beau, mais beaucoup s’interrogent à ce sujet. C’est comme si tout l’idéal de la vie consistait à exciter chaque nerf du corps humain et à le tenir au plus haut degré de tension, à bander à l’extrême ─ « Je bande donc je suis » ─ au rythme des désirs de plus en plus « hot ». On pense ainsi fertiliser sa vie de façon remarquable.
Nous vivons à l’ère de la sacralisation du corps comme valeur : le corps athlétique, le corps érotique, le corps romantique, sans oublier le « corps astral » et celui de son modèle absolu, le mannequin qui s’exprime à travers l’obsession de la minceur, offrant l’illusion que le modèle est la réalité. « Ceci est mon corps !», telle est la formule rituelle retenue pour cette « mystique du corps» que les grands-prêtres de la télévision et de la consommation proclament avec la conviction et l’ardeur des prophètes, contribuant à créer une certaine humanité de pacotille, ivre de vanité.
Dans un conte célèbre de Grimm, la belle-mère de Blanche-Neige entretient des doutes sur sa beauté. Dans sa fierté, elle ne peut supporter de se voir déclassée par Blanche-Neige. Elle s’adresse alors au miroir en ces termes : « Miroir, dis-moi que je suis la plus belle!». Voilà la question posée en permanence au corps.
Pour certaines personnes, le corps revêt une telle importance, que cela prend la dimension d’une véritable profession, pour ne pas dire une religion. Leur corps est présenté purement et simplement comme un objet offert à l’adoration des autres. Et alors, tout le monde se prosterne spontanément devant ces corps, mus par une excitation et un plaisir de nature autant sensuelle que sexuelle. Dans cette religion, le corps devient chemin d’Éden, chemin du paradis. Un paradis ? Pas toujours, car pour plusieurs cela devient un enfer.
(À suivre)
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