Habiter sa dignité malgré l’injustice
Il y a des réalités silencieuses que peu veulent regarder en face. Des histoires qu’on tait parce qu’elles dérangent. Celle de milliers de personnes qui, chaque jour, vivent dans des logements où l’équilibre, la tranquillité et le respect sont absents. Je fais partie de ces voix. Celles qu’on tente de faire taire sous des hausses abusives de loyer, des murs humides, des attentes interminables pour des réparations essentielles. Et pourtant, malgré tout, je reste debout.
Je gagne moins de 20 000 $ par année. Je suis dans le même logement depuis treize ans. Pas par confort, mais par nécessité. Déménager n’est pas une option : le coût des loyers a atteint des sommets déconnectés de la réalité. Ce n’est pas que je ne veux pas partir, c’est que je ne le peux pas.
La négligence institutionnalisée
Mon propriétaire possède plus de 500 blocs de logements au Québec. Et pourtant, pour tous ces immeubles, un seul concierge. Une gestion austère, impersonnelle, où le service se fait attendre pendant des mois, parfois des années. En 2019, j’ai porté plainte à la Régie du logement avec une liste de 29 problèmes. Certains ont été réglés, mais beaucoup demeurent — et d’autres se sont ajoutés.
Je repeins moi-même. Je chasse les fourmis. Je combats l’humidité chronique. Je fais ce que je peux pour préserver un semblant de dignité dans mon espace. Mais quand les abus continuent — hausses de loyer contraires à la loi (9,8 % cette année, sans offrir aucun service autre que la tonte du gazon et le ramassage du banc de neige), choix de locataires autour de chez moi qui compromettent ma paix — le sentiment d’impuissance devient lourd.
Quand la paix intérieure devient un combat
Je travaille chez moi. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Mon appartement devrait être un sanctuaire. Mais au-dessus, une future maman attend des triplés. Et dans l’immeuble, des chiens jappent sans arrêt. J’ai dû utiliser la loi pour qu’ils se taisent… et pourtant, ce n’est jamais vraiment silencieux.
Cette chronique ne cherche pas à pointer du doigt pour le plaisir de blâmer. Elle est un appel. Un souffle. Une prière.
Dépasser l’impuissance : pistes vers la régénération
Il existe des pistes de résilience. Des petits gestes qui rétablissent le pouvoir intérieur :
- Recours juridiques : Même si elles peuvent être épuisantes, les démarches auprès du tribunal administratif du logement peuvent faire bouger les choses. Des organismes comme le FRAPRU ou le RCLALQ offrent soutien et information. Mais c’est très long et le proprio m’envoie son concierge une semaine avant l’audition.
- Réseautage entre locataires : Créer des liens avec d’autres dans l’immeuble peut engendrer une force collective. Les regroupements ont plus de poids pour exiger des réparations ou dénoncer des abus. Mais ils sont capables d’être contre toi aussi parce qu’ils peuvent être heureux dans leur chaos.
- Soins de soi en milieu hostile : Méditations, pratiques vibratoires, écriture thérapeutique — des moyens d’habiter intérieurement ce que le monde extérieur nie. Ça demande un surplus de tolérance et de patience pour diminuer son agressivité.
- Projets de relogement alternatifs : Certains organismes soutiennent les personnes à faible revenu dans des déménagements vers des logements abordables, bien que les délais soient très longs. De plus, ce sont des appartements qui ne valent pas cher non plus, et le niveau d’insonorisation est de piètre qualité.
En finir avec la honte silencieuse
Être pauvre n’est pas un échec. Ce qui l’est, c’est un système qui rend les gens invisibles, impuissants et usés. Cette chronique est une lumière douce posée sur une réalité trop souvent ignorée. Elle ne vous demande pas de compatir — elle invite à réfléchir, à agir, à créer ensemble des solutions durables.
Si vous vivez une situation semblable, sachez ceci : votre voix mérite d’être entendue. Et même dans les murs humides d’un vieux logement, votre présence a de la valeur.
Julie L.
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