Deux avocates et le poids d’un système figé

Nous en sommes là. Après des mois de démarches, de réunions fantômes, de dossiers préparés dans le vide, j’ai enfin rencontré l’avocate de l’aide juridique et sa stagiaire. Elles sont donc deux pour s’occuper de mon dossier. Deux regards, deux intelligences, deux présences qui m’ont écoutée. Et pourtant, je suis sortie de cette rencontre avec un sentiment étrange : celui de m’être trop préparée pour rien.

J’avais fait toute ma comptabilité d’entreprise, organisé les preuves, préparé une clé USB avec le dossier complet. J’avais compilé, archivé, classé. Mais le système de loi reste ce qu’il est : rigide, lent, incapable de traiter le collectif ni de prendre une clé USB.

La mise en demeure, encore

Je recommence l’étape de la mise en demeure, mais en mon nom seul cette fois. La première tentative, collective, n’a pas fonctionné. Le Tribunal du logement n’accepte pas les requêtes de groupe. Et tous ceux qui étaient censés préparer leur dossier à temps ne l’ont pas fait. Silence. Retrait. Abandon.

Alors je reprends seule. Je porte la voix. Je signe en mon nom. Je dépose en mon nom. Et peut-être, si certains se réveillent, je pourrai les amener à mon audience. Mais pour l’instant, je suis seule face au système.

La voisine et les égouts

Pendant ce temps, ma voisine vivait l’enfer. Les égouts se déversaient dans son appartement. Le propriétaire, fidèle à lui-même, a refusé de s’en occuper. Il a même retourné le plombier qu’elle avait fait venir. Trois semaines plus tard, elle a choisi de m’écouter. Elle a appelé le 911 pour obtenir du service.

Et là, le propriétaire n’a pas eu le choix. Il a dû envoyer un entrepreneur pour régler le problème. Mais cela ne règle pas les trente autres points qu’elle a dans son dossier. Trente négligences. Trente humiliations. Trente preuves d’un abus systématique.

Je ne sais pas comment elle va gérer tout ça. Mais je sais qu’elle est seule, comme moi, face à la situation.

L’attente

Je suis dans l’attente. Attendre de voir comment le propriétaire va réagir face à la mise en demeure de l’aide juridique. Attendre de savoir s’il va improviser une réparation de façade ou s’il va continuer son silence méprisant.

Selon mon expérience, il faudra ouvrir le dossier à la TAL et se rendre devant le juge. Habituellement, il envoie son concierge une semaine avant l’audience, pour bricoler quelques réparations et donner l’impression qu’il agit. Mais mon objectif est clair : je veux une garantie de service. Je veux une reconnaissance officielle. Je veux que la cour le punisse pour ses abus et manquements.

Le système figé

Ce que je vis n’est pas unique. C’est le reflet d’un système figé. Un système qui ne sait pas traiter le collectif. Un système qui fragmente les voix, qui isole les locataires, qui ralentit les démarches.

Le droit du logement est censé protéger les citoyens. Mais en réalité, il protège les propriétaires filous habiles à exploiter les failles. Ils manipulent, retardent, profitent de la fatigue des locataires. Et le système, au lieu de les contraindre, leur offre des échappatoires.

La charge invisible

Préparer un dossier, c’est une charge invisible. Ce n’est pas seulement remplir des formulaires. C’est revivre chaque négligence, chaque humiliation, chaque injustice. C’est transformer sa vie quotidienne en archives.

J’ai fait ma comptabilité d’entreprise pour rien. J’ai préparé une clé USB pour rien. Mais ce travail n’est pas inutile. Il est une trace. Il est une preuve. Il est une offrande.

La dignité comme moteur

Je ne fais pas tout ça pour le plaisir. Je le fais pour la dignité. Pour le respect. Pour la garantie d’un service qui devrait être normal, mais qui devient un combat.

Je ne suis pas une militante professionnelle. Je suis une femme qui veut vivre en paix. Une mère qui veut protéger son espace. Une médium qui veut honorer la vérité.

Et même si je suis seule à porter certaines démarches, je sais que je ne suis pas seule dans l’intention. Je sais que d’autres regardent, écoutent, espèrent.

La stratégie invisible

Peut-être que l’avocate et sa stagiaire ont une stratégie. Peut-être qu’elles ouvriront tous les dossiers. Peut-être qu’elles regrouperont les preuves. Peut-être qu’elles créeront un précédent.

Je ne sais pas. Mais je sais que je dois garder le cap. Je dois attendre. Je dois respirer. Je dois me rappeler pourquoi je fais tout ça.

La paix retrouvée

Le logement très abîmé au-dessus de chez moi est libre. Enfin. Et j’ai retrouvé un peu de paix. Un peu d’espace. Un peu de silence. Cela ne règle pas tout. Mais cela allège. Cela apaise. Cela permet de reprendre des forces. Puis, bonne nouvelle, le caniche blanc qui jappait souvent, la dame a déménagé la semaine passée. Je suis très heureuse.

Agir même seule, bénir même si je suis fatiguée

Cette chronique n’est pas une plainte. C’est un témoignage, une trace.  Une offrande.

Je continue. Je documente. Je prépare. Je respire. Et je vous dis : soyez bénis. Soyez lucides. Soyez courageux et allez jusqu’au bout de vos causes.

Parce que, même dans les lenteurs du système, même dans les silences méprisants, il y a une force qui nous habite. Une force qui nous pousse à agir, à bénir, à espérer.

Le souffle de dignité

Nous en sommes là. Une avocate, une stagiaire, une mise en demeure en mon nom seul. Une voisine qui appelle le 911 pour survivre. Un propriétaire qui abuse en tous points. Un système qui fragmente et ralentit.

Et pourtant, nous continuons. Nous respirons. Nous espérons. Nous bénissons.

Parce que la dignité est plus forte que la négligence. Parce que la vérité est plus forte que le mensonge. Parce que la lumière est plus forte que l’ombre.

À suivre… Julie L.

 

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