La magie de la vie (suite)
La magie de la vie n’est autre chose que la poétique de la vie, qui est une manière de vivre poétiquement, bien avant toute poésie. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’est nullement nécessaire d’écrire des poèmes pour créer une vision poétique de la réalité. Là-dessus, j’aime bien le point de vue d’Edgar Morin quand il dit que « le véritable but de l’existence est la poésie de la vie, de vivre dans l’exaltation de soi, dans l’exaltation de l’amitié, de la fête, de la communauté ». À cette fin, il a élaboré ce qu’il appelle la philosophie de « la voie », qui consiste à se donner les moyens de réaliser la poésie de sa propre vie et, chemin faisant, de ressusciter l’espérance pour générer non pas le meilleur des mondes, mais un monde meilleur.
La poétique de la vie
La «voie» évoquée par Edgar Morin passe par la découverte de la beauté du monde qui nous séduit, nous appelle, nous avive. La rencontre avec le beau nous donne le moyen de dépasser la banalité de l’existence, d’enjoliver l’ordinaire de la vie. Dans les moments difficiles ou inquiétants, aux heures les plus sombres, dans les épreuves, la beauté a cette capacité de soutenir le cœur humain et de donner la conviction que le meilleur de la vie peut être atteint.
C’est ainsi que la poésie, qui est le médium par excellence de la beauté, représente une approche originale et exceptionnelle pour résoudre les problèmes de la vie. Elle peut intervenir dans le sentiment du vide, dans la dépression vague, dans la morosité, dans le désenchantement conjugal, familial et relationnel. Tous ces sentiments négatifs de l’existence ont quelque chose à voir avec l’absence du sens poétique de la vie. Mais la poésie s’affirme de façon encore plus marquée dans l’expression de l’amour, du romantisme, du rêve et particulièrement dans la quête du bonheur.
Une lumière d’éternité
Malheureusement, le monde sépare volontiers poésie et réalité quotidienne, comme si la poésie était quelque chose de secondaire, de marginal. Une sorte d’ornement ou de fioriture de la vie. Mais à travers la poésie, c’est la conscience qui s’éveille, rappelant que la réussite n’est pas seulement affaire de technique, mais qu’elle a également besoin d’un souffle que seule la poésie peut donner. Et ce souffle, elle l’exerce d’abord dans la réalité quotidienne.
Simone Weil, cette femme de génie, cette philosophe qui a étonné tout le monde en passant une grande partie de sa vie à travailler dans les usines à une époque où la technologie était rudimentaire, a écrit : « Les travailleurs ont besoin de poésie plus que de pain. Besoin que leur vie soit une poésie. Besoin d’une lumière d’éternité. » Cette lumière d’éternité, c’est évidemment l’horizon d’émerveillement que la poésie peut apporter dans le prosaïsme de l’existence. Sur ce plan, elle joue un rôle irremplaçable.
(À suivre)
Jean-Paul Simard
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