NOTRE ALLIANCE AVEC LA NATURE
Ce n’est une cachette pour personne que, dans notre civilisation, la relation Homme-Nature s’est littéralement désagrégée au profit des rapports purement techniques et de possession. Peu à peu, nous avons transformé notre planète en une immense usine d’exploitation des matières premières et d’énergie. Bien plus, nous sommes parfois écrasés par certains produits de notre propre fabrication. La puissance de nos réalisations techniques dépasse notre réalité biopsychologique.
Paradoxalement, en voulant se les approprier, on s’en éloigne davantage, comme le fait remarquer, encore une fois, Marie-Madeleine Davy : « Quand l’homme n’entend plus la voix intérieure susceptible de le guider et de favoriser en lui un mouvement créateur, seules lui sont audibles les voix extérieures qui s’imposent à lui et l’influencent. Le voici isolé du cosmos. Ayant perdu son axe, il se retrouve désorienté, il devient un robot, un « produit » artificiel. Le voici « clos » à l’écart de lui-même et de l’univers. » Au fil des ans, nous nous sommes ainsi coupés de notre secrète intimité avec la nature et le cosmos, pourtant essentiels à l’équilibre humain. Nous avons rompu ce que des philosophes ont appelé « l’antique alliance de l’homme avec la nature ».
Certes, il ne s’agit pas de bouder la technique qui a fait accomplir à l’humanité des progrès considérables. Mais avant de s’approprier la terre et de la faire servir à des fins purement matérialistes de consommation, nous devons chercher à entrer en relation avec elle pour ce qu’elle est, à dialoguer avec elle, à communier avec elle. C’est ce à quoi nous invitent de grands penseurs, comme Gaston Bachelard et Roger Caillois, qui nous ont rappelé, à travers leurs ouvrages, de pas oublier le rôle essentiel que jouent dans la vie les quatre éléments de la nature: l’eau, la terre, l’air et le feu.
Pour plusieurs, cette réconciliation avec le cosmos est si importante qu’elle prend figure d’une véritable religion, comparable au phénomène de la fusion divine pour les mystiques. Sans aller jusque là, nous pouvons tous découvrir le caractère sacré de la nature et de l’environnement. Nous pouvons prendre conscience que la nature n’est pas seulement une entité matérielle, mais qu’elle recèle des trésors de sens.
Combien de fois, par exemple, il m’est arrivé, dans des moments de grandes lassitudes, de me laisser interpeller par les mille formes de beauté que recèle la nature. Combien de fois, en observant les oiseaux, ai-je admiré leur évolution joyeuse et savouré, pour ne pas dire envié, l’ivresse de leur vol : ils se posent, ils repartent à l’exemple de la vie qui s’exprime dans la totale liberté. Leur vol qui l’emporte sur leur propre pesanteur rappelle l’agilité du désir. Plusieurs fois j’ai respiré l’air traversé de parfums, goûté le merveilleux apaisement de la pluie. Bien souvent je me suis empli les yeux de la sainte lumière du jour avant de regarder le soleil décliner. Quel plaisir alors de sentir son être tendu sous les caresses du vent du soir, d’écouter la brise véhiculer la voix divine, puis de se laisser insensiblement envelopper par la nuit tiède, en attendant de voir l’aube avec ses promesses d’espérance! Toutes ces touches d’infini trahissent la présence de quelque chose de plus grand que soi.
Nous sommes ici, on l’aura reconnu, devant un autre type de relation, la transcendance, qui ouvre à quelque chose qui nous dépasse, en l’occurrence le sacré, le mystère, l’absolu. J’en parlerai dans ma prochaine chronique.
Jean-Paul Simard
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