Polyamour

« Ils vécurent heureux… » (air connu) Qui ne connaît pas cette phrase remplie de promesses? Celle-ci est certes moins d’actualité de nos jours qu’à une certaine époque, mais demeure sûrement présente dans l’esprit de bien des gens. Sur les sites de rencontre, la case « relation à long terme » est bien en évidence et valorisée. Beaucoup espèrent encore croiser la route de l’homme ou de la femme de leur vie.

Mon parcours relationnel a fini par me faire comprendre que la première relation à vie que nous avons l’assurance d’avoir, c’est celle que nous entretenons avec nous-même. Son but? Nous souvenir de qui nous sommes réellement pour exprimer chaque jour ce qui nous rend unique. Et dans cette redécouverte, les relations affectives constituent des miroirs privilégiés.

Ce que j’observe régulièrement, c’est ce désir de voir l’autre combler nos « besoins », idéalement TOUS nos besoins. J’ouvre une parenthèse pour préciser qu’une relation basée sur la satisfaction mutuelle de « besoins » n’est pas un gage d’harmonie car les besoins riment souvent avec le manque, d’où ce fameux « Rends-moi heureux(se)! ». Selon mon expérience, la relation devrait viser une mise en synergie de deux autonomies préférablement complémentaires, ce qui donne l’équation suivante : 1+1=3, soit deux personnes plus le couple, ce ciment permettant à chacun de progresser plus rapidement.

Cela dit, qu’en est-il des couples qui durent toute une vie? Je commence à être relativement bien placé pour en parler car ma conjointe et moi sommes ensemble depuis maintenant 41 ans. Je me souviens que dans les tout débuts de notre relation, j’étais convaincu que c’était pour la vie. C’est que cette conviction était fondée non seulement sur le prodigieux coup de foudre que je ressentais mais aussi sur les valeurs morales que j’ai découvertes chez elle. En effet, j’ai connu Marie (prénom qui est l’anagramme d’AIMER) alors qu’elle vivait des moments très difficiles. Son grand désarroi m’a révélé une femme de cœur sur qui je pourrais toujours compter. Et vice-versa.

Cette complicité a trouvé sur sa route un événement charnière lorsque Marie a découvert l’existence du polyamour. Une attirance irrésistible pour un autre homme, presque hors du temps et de l’espace, alors qu’à leur naissance, les deux bébés avaient étonnamment partagé pendant quelques jours la même pouponnière. C’est là que plusieurs de mes illusions sur l’amour se sont volatilisées. Quand ma conjointe m’a demandé, au nom de notre amour mutuel, de l’aider à résoudre ce terrible dilemme, je l’ai assurée que nous trouverions une solution. Heureusement que j’affectionne tout particulièrement les chemins les moins fréquentés…

Première illusion : on ne peut aimer « amoureusement » qu’une personne à la fois. Elle s’est évanouie dans les premières minutes lorsque j’ai constaté que l’attirance de Marie pour cet homme n’affectait d’aucune façon l’amour qu’elle ressent pour moi. L’amour ne se divise donc pas, il se multiplie! En réalité, beaucoup sont d’accord avec les amours multiples à condition que ça ne s’applique pas au couple, mais aux amis, aux enfants, etc. Dans le couple, le désir mutuel d’exclusivité physique et affective, ainsi que de possessivité bien souvent, est trop puissant encore… Occuper toute la place dans le cœur de l’autre est généralement le fondement même du couple et j’ai souvent observé que l’estime de soi en dépend.

Alors que je n’aurais pas donné cher de la peau de notre couple si je ne l’avais pas vécu, voilà que dans la réalité, je constatais que non seulement l’amour ne fléchissait pas mais qu’il se renforçait d’une complicité accrue étant donné que nous avions choisi de nous épauler plutôt que de nous diviser. J’ai alors pris conscience que l’amour, le vrai — car le terme décrit bien d’autres émotions — ne meurt jamais. Il EST, hors du temps et de l’espace.

Une seconde illusion n’a pas tardé à voler en éclats : la pensée qu’à moi seul, je pouvais « répondre » à tous les souhaits de ma conjointe en matière de couple. On a tous droit à une certaine naïveté, n’est-ce pas? Lorsqu’un couple arrive à son terme, il est plutôt rare que les conjoints d’origine assistent au quotidien à ce que devient leur ex dans une nouvelle relation. Dans mon cas, ça se passait chaque jour sous mes yeux, surtout à partir du moment où Denis a emménagé chez nous. Je trouvais que c’était la solution la plus logique et la plus facile, celle qui évitait une foule de complications d’ordre logistique et qui optimisait la complicité. J’ai rapidement vu une nouvelle Marie naître devant moi. Comment pouvait-il en être autrement étant donné que nous pouvons difficilement être plus différents lui et moi? Il fait donc vibrer des facettes de Marie dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Et plutôt que de me sentir en concurrence avec lui, je me suis spontanément réjoui des nouvelles expériences de ma conjointe, avec qui le lien était toujours bien vivant, transformé, transmuté je dirais. Je faisais vibrer Marie sur certaines fréquences, et Denis sur d’autres. Elle m’apparaissait ainsi beaucoup plus complète et épanouie. Je comprenais concrètement et de façon indubitable la définition de l’amour donnée en channeling par les anges Xéda : « Se réjouir du bonheur de l’autre et vivre une compassion devant ses souffrances. » Et quand nous interagissons à trois, une véritable entité de trio entre en scène, générant notamment beaucoup d’humour. Voilà qui explique pourquoi les dernières décennies ont passé en coup de vent…

Par conséquent, si dans un couple, chacun fait vibrer chez l’autre un certain pourcentage de qui il/elle est vraiment (je pense que 50 % serait déjà un beau résultat), que se passera-t-il le jour où un autre miroir reflétera les facettes en dormance si nous sommes ici pour nous exprimer en totalité? Il risque d’y avoir une forte attirance, n’est-ce pas? Cela arrive tous les jours sur cette planète. Mais comme une majorité croit qu’on ne peut vraiment aimer qu’une personne à la fois, il en résulte une crise qui se traduit soit par une rupture, soit par une double — et secrète — vie relationnelle.

Pour ma part, l’expérience du trio m’a amené à redéfinir ma vision de notre couple, notamment sur le plan de la sexualité, étant donné notre nature exclusive en cette matière. J’ai donc découvert, par l’entremise de plusieurs miroirs féminins, encore plus de facettes de moi-même, ce qui m’a rapproché de ma véritable essence. Tout en poursuivant ma route avec Marie et Denis, auxquels je suis attaché pour la vie. Beaucoup lui avaient dit : « Tu choisis l’un ou l’autre, c’est la vie… » Ce à quoi j’ai rétorqué : « Qui t’empêche, chérie, de choisir les deux? Pas moi en tout cas… » De nous trois, c’est elle, en raison de conditionnements bien ancrés, notamment sur le couple, qui a été la plus difficile à convaincre… L’ouverture que j’ai explorée a profondément transformé ma vie et ma perception de qui je suis. Malgré que nous nous soyons permis — en simultané — deux vies dans une, nous ne nous sommes non seulement pas éloignés l’un de l’autre, mais cette expérience nous a considérablement rapprochés.

L’amour pour la vie? Bien sûr, et même au-delà! Je suis toujours convaincu que l’amour est immortel. Je crois aussi que cette énergie peut s’exprimer à l’égard de plus d’une personne à la fois contrairement à l’idée que ça doit se vivre séquentiellement. Il n’empêche que lorsqu’on l’expérimente concrètement et dans l’harmonie, plus rien ni personne ne pourra vous en faire douter.

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