VIEILLIR ENRICHI DE NOS EXPÉRIENCES
Sur mon dernier livre/cd de chansons intitulé MATURITÉ, se retrouve la chanson thème intitulée La maturité. Elle se veut être une ode à la sagesse que l’on a su développer durant les années et une incitation à en profiter au lieu de la subir. On y retrouve entre autres ce couplet :
La maturité, c’est cesser de pleurer
Comme des Madeleine
La jeunesse perdue
Nos corps un peu tordus
Par nos excès de haine
La période dite de vieillesse peut se vivre de différentes façons. Selon le tempérament de celui ou de celle qui la vit, elle peut provoquer de nombreuses réactions. La plus répandue, la plus facile aussi, consiste en un repli sur soi nourri abondamment par la non-acceptation des effets irréversibles du temps. On retrouve alors dans ce groupe les malheureuses victimes éplorées que nous rencontrons sur notre route. Tout en pleurnichant, elles reprochent constamment à leur corps de ne plus vouloir suivre la parade. « La vie est injuste ! Rien ne sera plus comme avant. Vaut mieux mourir que de vieillir comme ça! », scandent-elles alors désespérément à qui veut les entendre.
Ces victimes inconsolables de la vie sont en général des personnes qui n’ont jamais cherché vraiment à se connaître, encore moins à s’accepter comme elles sont. Qu’on se le dise, l’acceptation de soi n’est pas vraiment leur tasse de thé… Cette attitude d’impuissance devant l’inexorable passage du temps explique d’ailleurs très bien leur déroute à l’apparition de la moindre ride sur leur visage. N’ayant rien d’autre que l’apparence physique sur quoi s’appuyer, elles se retrouvent rapidement dans une impasse, pleurant sur leur sort à la moindre occasion, « comme des Madeleine », et se fermant lentement à toute perspective de bonheur.
Heureusement, il existe aussi un autre groupe, celui des gens conscients, passionnés et positifs. Pour eux, il en est tout autrement. En effet, l’acceptation des traces de l’âge sur leur corps deviendra la principale clef de leur nouvelle vie. La personne réellement mature peut, certes, constater chaque matin en passant devant la glace un peu de sa jeunesse perdue, sentir que son corps n’obéit plus comme avant à sa volonté, sauf que, maintenant, elle l’accepte totalement et sans en faire tout un plat. Avec un peu d’imagination et beaucoup d’humour, elle y trouvera même à la longue une certaine beauté. Elle ne met rien non plus sur le dos de la vie, car elle sait que les effets du temps ont juste été causés par les émotions qu’elle n’a pas su gérer, comme la haine, le ressentiment, le jugement, la jalousie, l’envie, la peur, etc.
Je crois que si une personne savait gérer ses émotions à la perfection, elle détiendrait peut-être le secret de la jeunesse éternelle et deviendrait millionnaire en peu de temps. Mais de tels êtres existent-ils vraiment ? Je ne le crois pas, même si plusieurs le prétendent, ou tentent de se le faire croire… On peut, certes, s’approcher de cet idéal avec l’âge et l’expérience, mais la nature humaine étant ce qu’elle est, il est, hélas, trop tard pour enrayer les dégâts déjà causés et faire demi-tour.
Comme nous sommes toujours en terrain d’expérimentation sur cette bonne vieille terre, notre corps n’a d’autre choix – et c’est son travail de le faire – que de subir les assauts de nos émotions, surtout celles dites négatives. Sachant cela, l’être conscient considérera le processus de vieillissement comme tout à fait normal. La deuxième partie de la vie pourra alors se transformer en une aventure extraordinaire au cours de laquelle il cessera de se battre contre le temps et s’en fera plutôt un ami.
Ce n’est que lorsqu’on aura vécu à fond toutes nos expériences de vie qu’on pourra enfin en profiter et en partager les bienfaits avec autrui en toute quiétude. Ce partage demande par contre beaucoup de disponibilité et, surtout, un réservoir infini d’amour. En effet, la maturité est le nid dans lequel peut grandir l’amour le plus important qui soit, l’amour de soi, et ensuite, celui des autres. Ce n’est que lorsqu’on se sera aimé suffisamment que nos effluves amoureux pourront émaner à profusion.
N’est-ce pas le but de toute une vie, s’aimer inconditionnellement, puis aimer les autres pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils peuvent nous apporter ? À ce stade de notre cheminement, la vie peut devenir vraiment un grand jeu, un jeu où l’on s’amuse – ce qui est bien différent du jeu où l’on n’a plus de plaisir. Chez l’être mature, cet amour de la vie est au centre de tous ses actes. Il en est imprégné jusque dans la moelle de ses os. Tout ce qu’il a à faire alors, c’est de suivre la vague, de se laisser porter par les vents dominants, comme le font les voiliers. N’est-ce pas ce que nous recherchons tous dans le fond : cesser de faire semblant d’être ce que l’on n’est pas et faire uniquement ce qu’on aime ? En d’autres mots, se contenter enfin d’ÊTRE… la somme de nos bons coups, comme celle de nos erreurs du passé, dont on aura sagement su profiter au maximum…
André Harvey
VIEILLIR ENRICHI DE NOS EXPÉRIENCES