Chamane, vraiment ?

(Ou bien : l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme

qui a vu l’homme…  qui dit qu’il a dansé avec l’ours)

Merci à Julie qui nous permet de nous retrouver chaque mois, mes ami-es. Quelle chance nous avons. J’ai pensé à mon sujet en discutant tout à l’heure avec Chantal Brault qui contribue aussi chaque mois à ce journal tellement chaleureux, intuitif, intelligent du cœur.

Personnellement, je n’ai jamais rencontré un-e chamane blanc-he. Cela existe certainement, très rarement, si toutefois cette personne a été élevée par des Autochtones et de manière TRÈS traditionnelle et depuis sa tendre enfance.

Vous me connaissez un peu, j’ai eu la chance de recevoir de nombreuses expériences, des enseignements traditionnels, danses sacrées, cérémonies, initiations… et pourtant je ne dirais jamais que je suis chamane. Je reprends toujours les personnes qui le disent, ou qui essaient de se valoriser en parlant de moi comme telle.

Oui j’ai un tambour; un élan a donné sa vie pour que je puisse le fabriquer, oui j’en joue, oui je facilite des cérémonies, mais je suis TRÈS blanche. Ça me fait sourire de l’écrire.

Cela me rappelle, lors de ma première invitation dans une réserve de Californie, dont je ne mentionne pas le nom à escient pour en préserver l’anonymat, une des Amérindiennes m’avait dit que j’étais blanche. Pour elle c’était difficile d’accueillir sur son lieu de vie une personne qui avait contribué au massacre de son peuple. Je sentais très fort son émotion. J’étais sincèrement désolée pour elle. C’est ignoble ce que les Blancs ont fait à ce peuple.

Gran-ma, la maman de cette femme, la femme du Chef, avait reçu en message d’ouvrir sa famille à recevoir des gens de l’extérieur. Je la remercie infiniment; elle, son mari, toute sa famille élargie m’ont énormément donné. Ils sont ma famille d’adoption. Je me suis sentie aimée, accueillie, comprise au-delà de tous les mots que je pourrais bien utiliser. A l’époque, j’étais rousse, blanche, aux yeux bleus, la seule invitée blanche, française en plus. Oui ça faisait tache !

J’ai envie de vous raconter une anecdote. Le premier jour de ma vie sur la Réserve, j’étais venue invitée par ma guide indigène pour un cercle de femmes. Nous étions peut-être une quarantaine. À l’heure du déjeuner, j’étais en train de m’affairer dans les préparatifs quand j’ai senti l’énergie changer. Je me suis redressée, j’ai regardé autour de moi, j’ai alors découvert tout un groupe d’hommes Amérindiens, les cheveux en bas du dos, nattés ou non. Ils marchaient tous d’un pas lent, comme s’ils allaient entrer dans Terre Mère à chaque enjambée. J’ai failli m’évanouir, c’était un choc énorme pour moi. C’était comme si je retrouvais une partie de moi, je venais de faire connaissance avec ma famille, mais que je n’avais jamais connue. Maison, comme dirait Ety.

J’ai terminé ce que je faisais, et suis allée m’asseoir. MAIS là encore une grosse émotion, la seule place libre restante était à côté du Chef que nous appelions affectueusement Gran-pa. Je me suis assise en me faisant la plus petite possible, en priant que tout aille bien. J’aurais voulu disparaître.

Le repas se passe bien, le Chef est occupé à parler de l’autre côté. Puis, tout à coup, il termine son repas, repousse son assiette, se tourne vers moi, et me demande : « d’où viens-tu ? »

– Eh bien, je viens de France, de la région parisienne.

– Oui, mais là aux USA, d’où viens-tu ?

– De France, de Paris.

– Est-ce que tu me dis que tu as fait le chemin depuis Paris pour venir retrouver les femmes de ma Réserve ? Tu as fait tout ce chemin ?

– Oui, il y a une semaine j’étais encore à Paris.

Et là, il me dit quelque chose qui va peut-être vous paraître simple, mais que je n’ai pas compris sur le coup.

– Il n’y a pas de traditions chez toi ?

Je ne comprenais pas ce que voulait dire vraiment ce mot tradition. Oui je connaissais Noël, la fête de la carte bleue.

Alors j’ai bafouillé :

– Noooon.

– Alors soit la bienvenue.

Je pense que j’ai rarement ou jamais senti autant d’amour, de gentillesse, de bienveillance chez une personne qu’à ce moment-là. Je n’étais pas une femme divorcée, rousse, blanche, qui avait bien du mal à savoir qui elle était. Non, non, dans ses yeux, je pouvais me voir comme une belle personne, une personne entière, qui avait de l’importance pour lui, avec laquelle il avait envie d’échanger; il m’acceptait complètement comme j’étais. Il ne faisait aucune référence avec toutes les souffrances que son peuple avait vécues. Surtout, il n’essayait pas de me juger.

Il était particulier; le Dalaï Lama était venu le visiter, et le Chef à son tour était allé voir le Chef des Tibétains dans un temple. Il était un homme exceptionnel. Il a changé de dimension à 10 jours près de mon père biologique. Je dis toujours qu’il a été mon père spirituel. J’ai perdu mes deux pères en deux semaines. Je lui voue, ainsi qu’à sa famille, un amour immense, et une gratitude sans fin. Je ne serais pas le dixième de qui je suis s’il ne m’avait pas accueillie chez lui.

Aucune personne de cette réserve ne se targuait d’être chamane. Ils s’appelaient plutôt hommes-médecine. D’ailleurs, vous n’entendrez jamais un homme-médecine dire qu’il est chamane. Les charlatans, oui vous les entendrez. Personnellement, j’ai un peu les cheveux qui se dressent sur la tête lorsque j’entends de telles usurpations de culture, ça me choque.

Depuis ce premier jour, j’ai eu la chance de vivre souvent des cérémonies magnifiques avec cette famille. Je pense que tout cela était dans mon ciel, car cela m’est venu toujours sans prévenir, et sans que je le cherche. C’était sur mon chemin, aux U.S.A, au Canada, Mexique, dans le Pacifique aussi…

Je comprends que toute cette culture soit très attractive pour de nombreuses personnes, mais ne suivez pas l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme… qui dit qu’il a dansé avec l’ours… ou la femme !

Ce peuple m’a tout donné et j’essaie de passer ce qui m’a été si généreusement offert. Je vous ai déjà raconté cet été ma Danse de l’Ours.

Je répondrai avec joie à toutes vos questions.

Namaste mes Âmi-e-s. À bientôt, au plaisir de vous lire…

Marion-Catherine

 

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