Marcher pour la vie

Je me souviens d’un monsieur âgé qui avait l’habitude de faire sa marche quotidienne dans un centre commercial près de chez moi. Il s’appelait Raoul. Je le saluais à chaque fois que je le rencontrais. Nous avions de grandes affinités. Il était auteur comme moi et il avait la passion de l’écriture.

La vie pas à pas

La marche était pour lui une façon de s’accrocher à l’existence, de se prouver à lui-même qu’il était vivant. Au fil des jours, cependant, je remarquai que sa marche devint plus lente. Elle reflétait de moins en moins l’identité de l’homme déterminé, veule et ambitieux que j’avais connue. Son corps n’était plus alerte comme auparavant devant les sollicitations des gens qui l’entouraient. Dans les moments de grand achalandage, sa silhouette détonnait dans la cohorte des gens pressés qui déambulaient dans le centre commercial.

Je le vis marcher ainsi pendant quelque temps, puis je le perdis de vue. Un jour, je le retrouvai assis sur un banc. Il m’avait l’air perplexe. À première vue, je ne savais pas s’il était recueilli ou somnolent. Je m’approchai de lui. Ses lèvres laissaient filtrer un léger ronflement. Je lui tapai amicalement sur l’épaule. Il me regarda, non sans une certaine gêne émanant sans doute de sa fierté de créateur surpris en paresse commandée. Je remarquai alors qu’il déployait plus d’effort pour clarifier sa pensée, de sorte que je le mettais fort mal à l’aise quand je le devançais de quelques mots. Il finit par m’avouer qu’il n’avait plus la force des années antérieures.

Lève-toi et marche

Je compris alors que sa marche, ponctuée de longs moments d’arrêt sur les bancs publics, avait quelque chose du grand sommeil et signifiait que sa réserve d’avenir achevait. Quelque mois après, j’appris par la voix des journaux que l’écrivain Raoul était décédé.

Depuis ce jour, j’ai laissé dormir son souvenir, mais j’ai retenu de cet homme qu’il y a des marches à la vie et des marches à la mort. C’est à la marche que nous voyons si une personne pose encore des pas de vivant sur la terre. La marche est une caractéristique essentielle de l’être humain. Montre-moi comment tu marches et je te dirai qui tu es. La marche porte la signature du corps et de l’âme. Elle est un langage par lequel l’être humain exprime sa condition d’homme et de femme.

La marche est la clé de toute croissance humaine et spirituelle. À ce titre, elle possède une valeur hautement symbolique. Ce n’est pas par hasard que la sagesse présente l’aventure humaine comme un long, difficile, mais passionnant chemin à parcourir. « Lève-toi et marche! », enseigne l’Évangile. C’est alors que se produit le miracle de la vie.

Jean-Paul Simard

 

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