Une vie pour se mettre au monde
«La vie entière de l’individu n’est rien d’autre que le processus
de donner naissance à soi-même; en vérité nous serons
pleinement nés quand nous mourrons.»
Erich Fromm
Devenir soi-même, quel défi! Quelle mission! C’est pourtant l’un des premiers objectifs de la spiritualité.
Pour l’éminent psychiatre américain Erich Fromm, le drame fondamental de l’homme, c’est de naître à l’humain. Mais l’homme est long à naître. On ne devient pas une personne par un coup de baguette magique. Pour croître, il faut du temps, la patience de la durée. Celle de l’eau qui creuse inexorablement un sillon dans le roc. Celle de ce petit grain de blé, enfoui au creux de la terre hivernale, plus fort que toutes les ténèbres et tous les frimas, mais sûr de sa victoire. Celle de l’Azur poursuivant sa lente trajectoire cosmique. Ainsi en est-il de l’évolution humaine. Elle est le résultat de la lente fermentation des efforts et de la mystérieuse gestation qui engendre la vie.
Les deux «passages» de la vie
Dans toute vie humaine, il y a deux passages. Le premier est notre naissance : «Nous passons du ventre de notre mère aux rivages de la lumière», selon la belle expression du poète ancien Lucrèce. Le mot est très réaliste puisqu’on dit que, dans certains accouchements, le passage est difficile. Nous passons alors du néant à l’existence humaine. Je regarde ce petit enfant dans son berceau : il a passé et il est là, il existe, il est virtuellement intelligent et libre. Quel miracle de la vie! Quelle splendeur! Déjà, avoir réussi ce premier passage est un phénomène plus grand que le devenir du cosmos tout entier. Le philosophe Martin Heidegger parle de la naissance comme du poème commencé de l’univers.
Le premier passage n’existe cependant que pour un deuxième passage. Celui qui nous fait passer de la vie de l’enfant à celle de l’homme et de la femme mature. Le premier passage du néant à l’existence humaine se fait sans nous; on ne nous a pas demandé notre permission pour nous mettre au monde et nous sommes ainsi conditionnés : je suis un homme et non pas une femme ou l’inverse, et je n’y peux rien. Il faut que je m’arrange avec mon sexe, mon hérédité, le climat, etc.
Certes, pour la plupart des personnes, la croissance physique se déroule assez bien. Mais le plus grand défi demeure notre personnalité. L’être humain, quand il arrive dans la vie, n’est encore qu’une espérance confuse. Il n’existe qu’en germe et doit se développer par lui-même. On ne reçoit pas en naissant une personnalité toute faite. On se la forge. Aussi faut-il d’abord naître à soi! Naître à soi, c’est se découvrir comme être humain, assumer tous les aspects de sa personne en vue d’une meilleure possession de soi-même. La psychologie nous dit que l’être humain est à la fois un sujet et un projet. Un sujet, c’est-à-dire une personne avec ses caractéristiques qui tiennent à la fois de l’espèce humaine et de son individualité. Un projet, c’est-à-dire une personne essentiellement en devenir. Cela signifie qu’on doit accepter d’évoluer pour se réaliser. Imaginez! L’être humain a l’existence pour tâche. La possibilité d’être comme défi. Il a le devoir d’affirmer son existence et de la réaliser. Et il le fait à travers des choix qui lui reviennent en propre. «Être» devient alors synonyme de «croître», «devenir».
(À suivre…)
Jean-Paul Simard
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