Hommage à ma Mer

Ce matin, elle ne voulait pas se lever. Elle a donc décidé de s’enrouler dans les couvertures de brumes du ciel, son amant de toujours. On a passé la journée à se demander sur quoi elle cogitait à nous envoyer ses vaguelettes aussi petites que discrètes. Puis le soleil aidant, elle finit par se révéler à nous dans toutes ses couleurs. Cette grande étendue d’amour est la vie dans sa plus simple expression. Qu’elle soit grise, bleue, argentée ou turquoise, jamais elle ne cessera de me séduire. Je suis conquis dès l’instant où mes yeux se posent sur sa robe tachetée de nuages d’eau.

On lui prête des humeurs et des colères homériques alors qu’en réalité c’est son époux Éole, avec sa rage et ses crises, qui la font réagir de la sorte. C’est alors qu’elle se soulève brutalement, suggérant que ces deux-là, furieux, s’entretuent, donnant à l’expression faire des vagues tout son sens. Si ce n’était de son caractère parfois impétueux à celui-là, la mer serait comme un miroir reflétant son amant bleu dans toute sa gloire.

Pauvre mer qui subit même de l’auguste et lointaine sélène blanche et sépulcrale ses flux et reflux qui la font s’agiter jour et nuit, s’étirant langoureusement jusqu’à plus soif, se retirant presque timidement. Quand, elle et moi, on se fréquente dans une sensuelle promiscuité, je me laisse caresser les pieds et parfois le corps tout entier par la dentelle de son écume, je me laisse porter et soulever par ses élans, et mes yeux vont jusqu’où ils peuvent, mais je n’en vois jamais la fin. Elle me paraît éternelle. Son chant, comme un mantra qui se renouvelle constamment, me calme et apaise mes inquiétudes.

J’aime son rivage; il englobe dans sa magie tous ceux et celles qui le parcourent. Ils sont tous heureux, le sourire aux lèvres, le rire en cascades, à se rouler dans ses eaux, à se lancer le ballon, à construire des châteaux éphémères, à se faire dorer ou simplement à marcher, méditant en silence. Quant aux enfants, ils sont tous les mêmes sur tous les rivages du monde: ils jouent dans le sable, se lèvent brusquement et courent vers la mer, puis rebroussent chemin en éclatant de rire quand ils ne cherchent pas à attraper un goéland exaspéré par leurs vaines tentatives ou une petite bécasse courailleuse. Ils vont le refaire toute la journée uniquement parce que la mer est comme ça: magique et ensorcelante.

La mer a trop d’enfants pour qu’on puisse en déterminer le nombre; ils sont tous là, tapis sous sa robe immense et s’ébrouent jour et nuit. Certains peuvent être même quelque peu hostiles pour nous, hommes fragiles aux pieds d’argile; alors chaque fois que je vais à la mer, chaque fois que je propose d’entrer en elle ou de naviguer sur ses eaux, je quémande sa permission. La mer mérite le respect de requérir sa bonté de sorte qu’on en sorte moins écorché. Et quand je la quitte, je lui dis merci, un vrai merci, bien senti, honnête et vrai parce qu’elle est profonde et je me dois également de l’être pour l’atteindre en son coeur.

Et je sais qu’elle sait que je l’aime. Je ne parviens toujours pas à comprendre pourquoi cette drôle de planète ne porte pas le nom qu’elle devrait porter. La planète Mer, amante du ciel et sœur de la Terre, berceau de nos premières origines, elle, l’opale bleue dans son écrin constellé de petites pierres! Nous n’avons encore aucune idée de tout ce que nous lui devons. À commencer par un immense respect pour ce qu’elle est!

De la mer, je sais autre chose. Si j’étais poète, je dirais qu’elle est faite des larmes de joie de la Divine Mère, sa créatrice, tant elle nous aime au travers d’elle et tant elle est heureuse de son choix. Voilà pourquoi je ne craindrai jamais de voir les religions disparaître, car à elle seule, la mer en comblerait le vide. J’ai écrit cet hommage à ma Mère Divine parce qu’elle et la mer, de toute manière, ne font qu’une, mais aussi parce que si je ne sentais pas la Divine Mère en moi, mon existence serait un désert de solitude, de peur de vivre, de malheurs et de chagrin. Parce que Tout est en Tout.

Ce petit texte animiste plein d’amour a été rédigé au cours de l’hiver 2016; j’étais à Daytona Beach, en Floride, afin d’oublier les rigueurs de notre climat nordique. J’étais, comme cela m’arrive parfois, dans un état second tout en demeurant parfaitement conscient de mon environnement. C’est alors que mon regard s’est arrêté un instant sur un pélican qui venait de plonger dans la mer et se laissait porter par les flots. Une espèce de vague d’amour s’est emparée de moi. Je sais qui fait ça ! C’est comme si, assise avec moi les pieds dans sa dentelle de jupe d’eau, la Divine Mère voulait que je lui dise à quel point j’étais amoureux non pas d’Elle, mais de cet océan devant moi, de cette mer et de son rivage. De sa création. Je l’ai fait, traversé par de magnifiques frissons. Je savais que derrière moi, Elle se tenait, une main sur mon épaule, et qu’Elle me regardait écrire.

C’est encore d’ici que je reprends ce récit. Je viens ici en cette terre de liberté parce que c’est ce qu’elle est et si vous vous demandez de quoi je peux bien parler, alors enlevez vos masques. Vous pourrez alors me lire sur mes lèvres !

 

Ce texte, légèrement modifié, est extrait du livre de l’auteur  Les religions, c’est assez !, publié chez Québec-Livres  (Photos Copyrighted Jean Casault).

 

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