En haut les cœurs!

Un maître zen évoquait l’histoire d’une vieille femme qui, au plus fort de la saison des pluies, avait résolu de se rendre en pèlerinage à une montagne sacrée, fort lointaine. Faisant halte à une auberge routière, elle décida de réserver une chambre pour la nuit avant d’entreprendre son ascension. « Ma pauvre dame, lui dit l’aubergiste, jamais vous ne parviendrez à escalader le sol glissant de cette montagne. Surtout pas avec ce mauvais temps. C’est impossible. » « Oh, rien de plus facile, répondit la vieille femme. Voyez-vous, monsieur, mon cœur repose là-bas depuis si longtemps. Il ne me reste plus désormais qu’à y traîner mon corps. » Dans les moments de lassitude, quand le vent de la motivation nous largue et que la vie exige des efforts d’alpiniste, combien ce récit peut devenir interpellant!

Écoute ton cœur

Je me rappelle un cri de ralliement que nous utilisions autrefois dans les mouvements de jeunesse. Pour nous donner du courage, nous criions de toutes nos forces « En haut les cœurs! » (Sursum corda). Une invitation à viser toujours plus haut. À cette époque, l’idéal humaniste résidait tout entier dans la recherche de la perfection. C’était le temps des « grandes âmes », celui des idéaux ouverts sur l’infini toutes voiles dehors.

De nos jours, combien estiment qu’il faut écouter son cœur. Le plus souvent, c’est lui qui nous dicte ce qu’il faut faire. L’intelligence seule ne suffit pas. Surtout dans les situations irrationnelles comme les drames de la vie, la souffrance, l’angoisse, la dépression, la dépendance. Ces situations ne se raisonnent pas. Elles nous plongent dans l’incontrôlable, dans l’imprévu, dans l’instinct et la pulsion. C’est alors que nous devons compter sur l’intelligence du cœur.

Le second souffle

Bien sûr, le cœur a aussi ses dérives, mais c’est moins sur ses rêveries que sur ses ressources qu’il faut compter. Dans la sagesse populaire, le cœur incarne la métaphore vivante du courage. La conscience collective le perçoit spontanément quand elle clame à qui veut l’entendre: « Tu as en toi une force intérieure qui peut venir à bout de toutes les situations ». Ou bien « Il y a en toi un potentiel d’énergie capable de revirement étonnant ». On peut penser au second souffle pour l’athlète.

Ce second souffle est magnifiquement illustré dans le récit de la vieille dame. Selon l’aubergiste, la dame ne devait pas se rendre là-haut. Toutes les raisons l’en dissuadaient : son âge avancé, son manque de force, le terrain glissant, la mauvaise température, bref, c’était « impossible ». Mais l’aubergiste n’avait pas compté sur les ressources insoupçonnées du cœur. Ne dit-on pas que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas?

Jean-Paul Simard

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En haut les cœurs!, En haut les cœurs!, En haut les cœurs!