Chanter sous la pluie

Aimez-vous la pluie ? Rares sont ceux qui aiment la pluie. Dans notre monde rationnel et utilitaire, nous ne savons pas goûter le charme des éléments.

J’ai développé au cours de mon existence une véritable fascination pour la pluie. J’aime entendre sa voix douce et chaude, l’été, quand elle tombe fixe, en rais obliques ou en gouttes vigoureuses sur la terrasse de ma maison. Et que dire du chuchotement de sa voix sur mon toit ? Combien cela a le don de m’enchanter ! Mélodieuse musique, prétexte à rêver, à m’évader du quotidien, à jouir des sentiments et des émotions nostalgiques qu’elle suscite en moi.

La sagesse de la pluie

C’est ainsi que la pluie fait partie des métaphores de la vie. Chaque pluie rappelle qu’il faut apprécier l’existence sans en « perdre une goutte ». La pluie est l’image de l’écoulement du temps, de l’impermanence des choses. Elle a une voix, une âme. Elle invite à la réflexion silencieuse, à la méditation, à l’enrichissement de la vie spirituelle.

Que faut-il de plus pour aimer la pluie ? Peut-être une révélation-choc comme celle-ci ? Je pense à ce prisonnier gardé pendant trente ans dans une cellule d’un mètre cinquante sur deux et qui fut finalement libéré après que la Cour eut reconnu qu’il s’agissait d’une erreur. Il avait été condamné injustement pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Quand il fut interviewé à la télévision américaine pour l’émission 60 minutes, au lieu d’exprimer sa rancœur, il a dit : « On ne mesure la valeur de la liberté que lorsqu’on nous l’a arrachée. Quand j’ai été libéré, j’ai vu des gens courir pour échapper à la pluie, moi je courus sous la pluie. Privé de la pluie pendant des années, j’étais reconnaissant envers chaque goutte qui perlait sur mon visage. »

Le pouvoir de la pluie

La pluie a tant de pouvoir. Surtout celui de faire jaillir la vie dans l’éminent processus de la germination, responsable de l’effervescence amoureuse de la nature. Celui de rendre heureux, par la magie de tous ses sons transmués en joie et en espérance, surtout quand nous avons besoin d’une confidente les jours de morosité. Dans Alice au pays des merveilles, Lewis Caroll raconte qu’« Alice avait pleuré et avait provoqué la pluie. » Oui, la pluie a quelque chose de ce pays des merveilles. Certains moments sont si riches, si intenses et si puissants qu’ils peuvent jouer un rôle dans le cours de notre vie, être révélateurs d’une trame de notre destin. Mais n’allons pas trop loin. Tous ces moments merveilleux, nostalgiques, à l’instar d’un conte de fées, ne durent que le temps d’une pluie…

Jean-Paul Simard, écrivain  

 

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