Cette nuit, entre 4 et 6 heures du matin

Je suis entouré, encerclé pour tout dire. Trois êtres humains, normaux, se trouvent devant moi. Un homme dans la trentaine, mon âge également, une femme dans ces eaux-là elle aussi, et une fille plus près de l’adolescence. Ils m’obligent à les laisser faire et je n’aime pas ça, mais on me dit que c’est un test et que je ne dois pas m’y opposer.

C’est alors que sous mes yeux, la femme se tenant au centre se transforme, en réalité ce sont ses vêtements qui changent d’apparence. Elle porte une sorte de combinaison rouge, légèrement boursouflée. Ses cheveux sont châtains et plutôt courts, et son visage est féminin sans plus, ordinaire en somme. Les cheveux un peu drus de l’homme attirent mon attention, mais l’ado, trop à droite, se trouve hors de mon champ de vision. Qu’importe, je suis surtout concentré sur la femme, qui n’arrête pas de jacasser.

« Nous allons maintenant t’attaquer, tu comprends, et tu devras déphaser pour te défendre »

Je ne comprends rien à rien. C’est alors qu’ils s’éloignent, se transformant littéralement en monstres. Il me revient en mémoire le vague souvenir d’un des films de la série Transformers que je n’ai vu qu’une seule fois, ces robots débiles se métamorphosant en dépanneuses…

« Nous sommes des polymorphes », me dit soudain la femme. Et là, pendant de très longues minutes angoissantes, je cours comme un cinglé pour éviter d’être capturé. Je ne me rappelle pas chacune des situations, mais je me fais coincer, je me libère, on me rattrape, on m’encercle, je m’échappe, et ainsi de suite. Chaque fois c’est un truc différent, tantôt une sorte de robot, tantôt un humanoïde énorme… Ils ne cessent de se transformer pour mieux s’emparer de moi. Mais pendant tout ce temps, une voix me répète : « Vas-y, fais-le, vas-y, fais-le! ». Un mantra qui m’irrite plus qu’autre chose étant donné que je n’y comprends foutrement rien.

Soudain, le géant de métal qui se trouve devant moi double de taille et me balance un direct au visage qui me défigure et me projette dans les airs avant que je retombe brutalement au sol à quelques mètres de distance. La douleur est insupportable, je sais que je ne pourrai pas encaisser un autre coup pareil… Puis le même ordre se fait entendre : FAIS-LE. Et je me dis alors que… peut-être? Oui? Ce serait ça?

J’imagine alors une forme qui serait de nature à décourager ce si monstrueux adversaire… Et tout à coup, voilà que je me transforme à mon tour! Je deviens un oursin géant à forme humaine hérissé de longues pointes d’acier extrêmement résistantes allant jusqu’à deux pieds de longueur et dont l’extrémité distille un poison corrosif capable, par une seule goutte, de tuer un éléphant. Ma carapace est d’un noir très luisant, et au centre du front brille une sorte de pierre bleue de la taille d’une pomme. Ma vision n’en est nullement affectée et mes poings sont énormes, plus encore que tout le reste, et munis de pointes très grosses et plus courtes, et tout aussi ruisselantes de ce poison terrible. Je me dis alors que s’il me cherche encore ce connard heavy metal, il va me trouver.

Tout à coup, tout redevient comme avant. Ces gens qui m’agressaient retrouvent en même temps que moi leur normalité, leur humanité. On me fait des accolades, on me félicite! « Jamais on n’avait vu une transformation comme celle-là, me disent-ils, on s’est tous regardés et on a compris que tu étais invincible. En un seul coup tu as réussi, c’est très rare pour une première! »

Une véritable ambiance d’amitié régnait avec eux. « Bienvenue dans notre groupe, nous les polymorphes », m’annoncent-ils tandis que je me joins à eux au milieu des éclats de rire. Je suis un polymorphe.

Je me suis réveillé dans un immense soupir de satisfaction profonde. Après être allé à la salle de bain, je me suis rendormi. J’ai encore rêvé, mais cette fois comme à l’accoutumée, sans émotion, sans relief, sans couleur, un de ces rêves si faciles à oublier… Alors que ce Vol de Nuit, là, c’était tellement différent. Tellement!

Et vous savez quoi? Je suis un polymorphe!

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