EN HAUT LES COEURS
Charles Taylor, dans son magistral ouvrage L’âge séculier, explique que nous serions arrivés à «l’âge de l’authenticité». Taylor explique l’apparition de ce nouvel axe d’individualisation en choisissant le plan du sacré. De nombreux jeunes gens, explique-t-il, suivent leurs propres instincts spirituels, mais que recherchent-ils? Beaucoup «recherchent une expérience plus directe du sacré, une plus grande immédiateté, une spontanéité et une profondeur spirituelle». Ils poursuivent une quête personnelle qui peut facilement être traduite dans le langage de l’authenticité: «J’essaie de trouver ma voie, de me trouver.» Ils cherchent à «se découvrir, s’exprimer, trouver leur propre manière d’être». Et tout ce que l’on «peut être» est opposé à «se nier ou se sacrifier pour le bien d’un ordre des choses supérieur à soi, ou même vivre par rapport à un tel ordre».
La dimension identitaire ne peut se développer sans la recherche conjointe de cette authenticité. Et cette recherche ne peut se faire idéalement que dans l’intériorité. Dans un ouvrage, dont le titre est fort significatif, L’homme intérieur et ses métamorphoses, Marie-Madeleine Davy écrit: «L’homme se croit volontiers «vivant» dans la mesure où il raisonne, parle, écrit, dialogue, possède et se projette au-dehors; il a soif d’acquérir et ne cesse de se comparer avec autrui en s’affirmant.» Mais elle explique que la véritable rencontre avec soi-même ne peut s’effectuer qu’au-dedans et devenir une expérience. Elle ajoute que cette expérience n’est pas acquise une fois pour toutes, mais qu’elle résulte d’approfondissements successifs.
Vous connaissez la célèbre légende de Faust qui vend son âme au diable pour garder sa jeunesse? Il y a là une belle illustration de ce que je veux dire. Faust, dit-on, était prêt à vendre son âme au diable en échange de 24 années de pouvoir et de plaisir sans limites. Le «syndrome de Faust» est bien présent dans notre société. Nous sommes prêts à troquer notre vie contre la célébrité, la fortune, le plaisir et le pouvoir.
L’essence de la légende de Faust fait vibrer une corde universelle en chacun de nous, tout spécialement à notre époque. Il s’agit de questions avec lesquelles nous débattons tous, consciemment ou non. Pourquoi ma vie comporte-t-elle tant de souffrances et de douleurs? Comment puis-je obtenir bonheur, succès, richesses et plaisirs? Que suis-je prêt à faire ou à céder pour m’assurer ce qui, je pense, me rendra heureux? La légende de Faust évoque notre vie et son aliénation dans le matériel. Elle parle de l’absence d’un dessein et d’un sens propre à notre époque que l’on pourrait traduire par la superficialité de la vie. Quand j’étais jeune, mes éducateurs se référaient souvent à une expression latine pour nous stimuler. Ils criaient dans un élan : «Sursum corda!». Ce qui veut dire «En haut les cœurs!» C’était une invitation à regarder plus loin et plus haut que la réalité purement matérielle et même parfois plus haut que le terrestre.
Jean-Paul Simard
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