Le plaisir de jouer sa vie

Le jeu n’est-il pas l’apanage du sage ? Est-ce que vous vous amusez dans la vie ? Woups ! Est-ce que je me trompe ou je détecte chez certains un brin d’hésitation ? Ne vous en faites pas, je me suis moi-même tellement pris au sérieux durant une certaine partie de ma vie qu’aujourd’hui je sais de quoi je parle. À force d’enseigner des choses sérieuses à des gens sérieux, qui me mettaient sur un piédestal par surcroît, je me suis parfois pris au jeu et j’ai cru que je détenais la Vérité avec un grand V. Je constate aujourd’hui que c’est durant ces périodes que, bizarrement, je m’embêtais le plus.

Voyez comme la vie est bien faite ! Quand on est enfant, la première chose qu’on nous apprend, c’est le jeu. Pour le bambin, tout devient un prétexte pour jouer. Lorsqu’un enfant en rencontre un autre avec qui il a des affinités, il l’enlace souvent sans pudeur. Il ne se gêne pas pour l’embrasser et, très vite, il se met à jouer avec lui. Perdu dans l’instant présent, rien n’est sérieux pour lui. Son mental ne s’occupe que de développer son instinct de survie, et le jeu en fait intégralement partie.

Au sortir de l’enfance, quand l’adolescence se pointe, le jeu devient plus rare, quoiqu’il fasse encore partie de l’existence. On commence à développer notre faculté de penser. Graduellement, on entre dans le moule du jeune adulte et on met toutes nos énergies à préparer notre avenir. Ce faisant, on quitte le monde magique du moment présent pour se projeter dans le futur. Et c’est là que ça se complique. « Il est grand temps que tu deviennes un homme », déclare solennellement notre père ; « Quant à toi, ma fille, fais attention aux garçons », nous met en garde notre mère. Les périodes de jeu deviennent rarissimes et elles sont carrément mises de
côté à l’âge adulte. « La vie n’est pas une comédie. Pense à fonder une famille, à avoir des enfants. Trouve-toi un travail stable, recherche la sécurité financière, etc. » Ah ! Comme c’est gai tout ça, ne trouvez-vous pas ? Une vie austère et sans fantaisie jusqu’à ce qu’on atteigne l’âge de la retraite. À ce moment, le jeu qui a été mis en quarantaine commence à refaire surface et à réapparaître dans notre vie. Dans bien des cas, ce qu’on a fait par obligation durant notre vie dite active, on peut maintenant le faire par plaisir et, comble de bonheur, à notre propre rythme. C’est comme si la vie nous redonnait la permission de jouer.

Avez-vous remarqué que les gens qui vieillissent bien semblent s’amuser dans la vie ? Ne dit-on pas qu’ils redeviennent comme des enfants ? Et c’est la pure vérité. La vie est ainsi faite : on y arrive dans le jeu et on en ressort de la même façon. Le problème, c’est qu’entre les deux, on oublie. Ne nous leurrons pas, ce n’est jamais une personne ou une situation qui est véritablement la cause de notre nostalgie ou de notre mal-être. C’est nous, parce que nous ne nous aimons pas suffisamment. La personne qui se perçoit comme une victime ne prend pas conscience de sa responsabilité par rapport à son bonheur et elle mettra son malheur sur le dos des autres. Mais pas le maître. Si nous avons de l’estime de soi, et si nous savons nous amuser, les boulets qui nous retiennent au sol se détacheront d’eux-mêmes, sans que nous ayons à intervenir d’une quelconque façon. Vous perdrez peut-être un emploi qui vous ennuie mais vous en attirerez un autre que vous avez toujours espéré occuper. Il en sera de même pour certaines personnes de votre entourage, et même pour votre conjoint que vous ne pouvez plus supporter. Ils appartiennent désormais à votre ancien monde.

Redevenons des enfants tout de suite. N’attendons pas d’être vieux pour le faire. Et si nous n’avons pas eu d’adolescence, permettons-nous de la vivre en certaines occasions. Il y a toujours un petit rebelle inassouvi au fond de nous. Le problème, c’est que bien des gens sont devenus des adultes trop rapidement. Notre système d’éducation nous a poussés très jeunes à la performance. Puis, nous sommes passés rapidement de l’enfance à l’âge adulte, en oubliant la période d’expérimentation nécessaire à notre équilibre qu’est l’adolescence. Nos parents, nos maîtres, nos éducateurs nous ont montré ce qu’était la vie, c’est-à-dire ce qu’ils avaient appris eux-mêmes et considéraient comme une vérité absolue. Nous les avons crus sans prendre le temps d’expérimenter leurs théories. Ce qui a fait de nous de vrais petits moutons qui se sont tous mis à vivre de la même façon et qui ont commencé à faire tout ce qu’on leur disait de faire, sans poser de questions.

Le résultat est que, rendus dans la quarantaine ou la cinquantaine, plusieurs ont vu s’éveiller en eux le fameux démon du midi. Et qu’est-ce que ce démon plutôt sympathique cherche donc à nous faire faire, pensez-vous ? À JOUER, à reprendre le temps qu’on a perdu à dormir notre vie. Finalement, c’est peut-être plus d’un ange que d’un démon dont il est question, ne croyez-vous pas ? Un ange qui nous incite à aller revisiter cette partie de notre adolescence que nous avons ignorée et qui était pourtant nécessaire à notre développement.

La meilleure façon de se libérer, c’est de l’assumer pleinement. Le maître de sa vie est conscient de cela, et c’est en même temps ce qui lui fait le plus peur. Il sait aussi que s’il ne retrouve pas le goût du jeu, il demeurera un être rigide et sérieux. Tout le contraire de ce à quoi il aspire.
Et si, aujourd’hui, on mettait notre priorité à s’amuser ?

André Harvey

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