La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie)

Je me rappelle encore de mes premiers voyages dans des pays que l’on dit en voie de développement. Je m’étais alors donné le mandat implicite de changer les choses en imposant aux gens de là-bas ma façon « civilisée » de vivre. Quelle illusion !

Dans ce sens, laissez-moi vous raconter un événement qui me fit beaucoup réfléchir sur mes aspirations à changer le monde malgré lui, un événement qui eut l’effet contraire de me désillusionner en me ramenant les deux pieds sur terre ! À cette époque, je me rendais régulièrement en République Dominicaine dans le but d’écrire ou pour donner des ateliers de croissance personnelle. J’allais la plupart du temps à Cabrera, petit village près de la côte et de la magnifique Playa Grande, dans une auberge paradisiaque autour de laquelle foisonnait la pauvreté. Malgré tout, les habitants paraissaient passablement heureux.

Un jour, un groupe d’ingénieurs canadiens proposa d’apporter son soutien à la population locale en les aidant à moderniser leurs installations sanitaires. En fait, ces dernières étaient pratiquement inexistantes. Comme le village se situait déjà sur un terrain en pente, les ingénieurs eurent l’idée d’y installer une canalisation distribuant par gravité l’eau dans chaque maison. Il faut spécifier ici que depuis toujours, les Dominicains devaient se taper plusieurs kilomètres par jour pour s’approvisionner en eau potable. Les instigateurs du projet croyaient alors fermement que cette amélioration allait complètement changer la vie des habitants de ce village. Savez-vous ce qui s’est passé ? Tout se déroula très bien au début, mais au premier bris du réseau les habitants préférèrent se remettre à aller chercher leur eau comme avant, au lieu de faire les réparations nécessaires. Étonnant, n’est-ce pas ? On avait tout simplement échoué en essayant de les changer malgré eux !

Un autre cas similaire se produisit dans une tribu autochtone du Grand Nord canadien, où j’ai travaillé pendant mes jeunes années. Un jour, le gouvernement décida de faire construire de magnifiques maisons chauffées et meublées pour les habitants d’une réserve autochtone, tout cela encore une fois dans le but d’améliorer leur sort. Mais la tentative, quoique louable, s’avéra un échec. Aussitôt le travail de construction terminé, les Autochtones ont vidé les maisons, y ont installé leur tente et se sont servis du bois de l’ameublement pour chauffer leur maison. Qui sommes-nous pour nous croire tellement supérieurs et évolués qu’on veuille imposer nos façons de vivre aux gens que l’on juge défavorisés ?

Lorsqu’on a atteint une certaine maturité, on sait qu’on peut parfois aider les gens, mais uniquement s’ils le demandent. S’immiscer dans la vie des autres, s’introduire en roi et maître dans un pays étranger, même s’il est plongé dans le chaos, en tentant par surcroît d’imposer à ses habitants nos valeurs, même les plus nobles, est à mon avis une grande marque d’immaturité et ne mène de toute façon pratiquement jamais à rien. Vivre et laisser vivre est le modus vivendi du sage digne de ce nom. Vous savez, j’ai voyagé à maintes reprises en Inde, et devinez où j’ai croisé les plus belles étincelles de lumière ? Dans les yeux des plus démunis ! C’est d’ailleurs dans ce pays, que je qualifierais plutôt de planète différente de la nôtre, que j’ai réellement appris à me mêler de mes affaires et à ne plus jamais vouloir changer le sort des gens qui ne sont pas… comme moi !

La maturité, c’est quand nos amitiés

Nos amours, nos je t’aime

N’ont plus besoin d’alliance

Ne sont plus dépendance

Quand on est fidèle à soi-même

Vous rappelez-vous, lorsque vous étiez plus jeunes, quelle énergie vous dépensiez à vous bâtir un réseau de contacts, tantôt d’amis, tantôt d’amours ? Plus on avait d’amis, plus on se sentait aimé – c’est ce qui explique encore aujourd’hui la grande popularité des phénomènes Internet modernes, tel Facebook. Dans leur processus de faire de nouvelles découvertes, les jeunes auront tendance à multiplier leurs relations amoureuses, explorant ainsi tous les aspects d’eux-mêmes avant de fixer leur choix. Mais en vieillissant, nos priorités changent et nous avons moins de relations. Certaines amitiés se défont au fil des années pour laisser place à quelque chose d’autre. En fait, la qualité remplace peu à peu la quantité ! C’est en partie ce qui fait peur à certaines personnes se retrouvant au seuil de la deuxième partie de leur vie, une période qui se veut, dès lors, particulièrement imprévisible et changeante. Passé le cap de la cinquantaine, on peut parfois compter ses véritables amis sur les doigts d’une seule main.

Lorsqu’on touche à la maturité, on redécouvre également une certaine liberté qu’on avait oubliée dans le brouhaha de notre vie dite active. On se rend compte que bien des pactes d’antan, des alliances insensées prises sous le coup de l’émotion, des promesses passionnelles de fidélité à la vie à la mort ne tiennent plus vraiment la route aujourd’hui. Toutes ces choses sont devenues dans bien des cas des liens qui nous attachent inutilement au passé, ce qu’on veut justement éviter désormais. Par contre, les véritables amis qui auront survécu au tsunami de l’existence seront toujours là, disponibles lorsqu’on aura besoin d’eux. Avec eux, on ne se sentira jamais blessé, même s’ils disent non à certaines de nos requêtes, et l’honnêteté sera toujours au centre de nos relations.

Pour ce qui est des amours, c’est la même chose. Deux êtres matures qui s’aiment vraiment se donnent entière liberté. Quand cet Amour avec un grand A est au rendez-vous, la confiance est quelque chose de tout à fait normal et la fidélité n’a plus à être imposée; elle va de soi. Les amants véritables n’ont plus rien à se promettre. Ils ne sentent plus le besoin de s’attacher l’un à l’autre par de futiles promesses qu’ils ne seraient de toute façon pas certains de pouvoir tenir, ne sachant pas de quoi seront faits leurs lendemains.

En fait, l’amour véritable entre gens matures se veut tout simplement franc et sans équivoque. À ce stade, l’un sait presque tout le temps ce que l’autre pense et ressent, et vice versa. Si la flamme s’éteint entre eux, ils ne perdront pas de temps à se faire croire que tout va bien. S’ils doivent se séparer, ils le feront sans complication et surtout sans haine. Ils ont appris à vivre pleinement leur instant présent sans se faire d’interminables et inutiles scénarios pour le futur. C’est pourquoi ils n’ont plus besoin de contrat ou de code de morale strict pour dicter leur conduite. Leur amour fera foi de tout.

La dépendance est le propre de l’immaturité. Elle est, en effet, le résultat d’un manque d’amour de soi que l’on comble par celui d’un autre. Lorsque nous touchons à la maturité, lorsque nos dépendances auront été vécues à fond, bien souvent dans la première partie de notre vie, on pourra enfin passer à autre chose. Certes, un certain attachement peut quand même être présent dans nos relations, quoi de plus normal, mais il ne gérera plus notre vie. Je recommande souvent aux jeunes qui assistent à mes conférences de vivre pleinement leurs dépendances s’ils en ont et de les assumer totalement, mais sans culpabilité. « Cessez de vous sentir coupable de ressentir de la dépendance envers quelqu’un ou quelque chose. », leur dis-je. « Saturez-vous-en plutôt le plus consciemment possible et, un jour, vous les verrez s’éloigner de votre vie juste parce que vous avez cessé de vous battre contre elles. »

La seule fidélité que vous devez viser tout au long de votre existence, c’est la fidélité envers vous-même. Si vous vous respectez le moindrement, vous respecterez automatiquement les autres et cela se fera sans effort. En effet, si vous êtes comblé à la fois par votre présence et par celle d’une autre personne, qu’il s’agisse d’un ami ou d’un amour, vous n’aurez plus besoin de rechercher de complément ailleurs. Un jour ou l’autre, on est appelé à briser ses chaînes. Ensuite, il ne restera plus qu’à demeurer suffisamment vigilant pour ne pas s’en remettre d’autres. Les amitiés profondes, tout comme les amours, d’ailleurs, nous combleront sans nous attacher.

La maturité, c’est quand on laisse parler

Notre cœur au lieu de la tête

Parlant de c’ qu’on connaît

Pas seulement de c’qu’on sait

Quand on apprend à se taire

Bien des gens immatures passent leur temps à parler, avez-vous remarqué ? Et cela, même et surtout lorsqu’ils n’ont rien à dire ! Ah ! Ah ! Ah ! La sagesse incite heureusement à l’écoute et nous amène à nous abreuver de plus en plus des idées des autres. La maturité nous apprend à nous taire, ce qui, entre nous, n’est pas une si mauvaise nouvelle que ça, avouons-le !

Au fil des années qui passent, nous cherchons, chacun à notre façon, à trouver des réponses satisfaisantes à nos questions existentielles. Puis un jour, notre mental saturé de toutes ces quêtes cessera progressivement de s’interroger sur tout. Il ne sera pas pour autant mis au rancart, mais il continuera à servir notre cause en nous aidant à accomplir plus facilement nos tâches quotidiennes, mais sans se prendre pour le patron comme avant. Cette saturation mentale que l’on ressent tous un jour ou l’autre explique peut-être pourquoi la mémoire devient plus fragile avec l’âge, à l’image d’un ordinateur qui perd progressivement sa capacité à emmagasiner des données à force d’être bombardé d’informations de toutes sortes.

Laisser parler notre cœur au lieu de notre tête, c’est laisser s’exprimer nos expériences, plutôt que nos croyances. C’est ce que l’on est qui a le plus d’incidence autour de nous, et non ce que nous voudrions laisser croire. Partant de ce fait, lorsqu’on n’aura rien à dire, on se taira, tout simplement. Nos yeux suffiront pour exprimer ce que l’on est au plus profond de soi, comme l’amour, par exemple. Les paroles deviendront dès cet instant une denrée rare et seront, dans bien des cas, inutiles. On se contentera alors de ne dire que l’essentiel, le reste se fera tout seul.

La maturité, c’est quand on sait oser

Être différent des autres

Oser mille folies

Même au creux de son lit

Remplir de plaisir son être

L’un des messages véhiculés par la maturité, c’est que nos différences sont aussi nos plus grandes forces et qu’il faut donc cesser de se battre contre elles. Il semble normal que notre corps perde certaines de ses capacités physiques avec l’âge, mais en contrepartie, c’est la sagesse qui prendra la relève. Lorsqu’on est jeune, on a tendance, et c’est compréhensible, à ne pas trop se préoccuper de notre corps, car on le croit invulnérable, inusable. Dans ces conditions, les folles aventures sont plus faciles à concevoir… et aussi à exécuter !  Ah ! Ah ! Ah ! Ce n’est qu’avec les années qu’on commencera à pressentir les limites de notre corps, ce qui aura l’avantage de nous inciter à l’écouter davantage.

J’ai entendu un jour une personne clamer avec amertume que la vieillesse était pour elle un irrémédiable prélude à la mort. J’en ai encore les poils tout dressés juste à vous le rapporter. Quoi de plus faux ! Mais pour contrebalancer, j’entendais, pas plus tard que ce matin à la radio, le vibrant témoignage d’une dame de quatre-vingt-quatorze ans, pleine de vie, et qui disait avoir encore de grands projets. Lorsque l’animateur de l’émission lui demanda poliment si elle se sentait vieille, elle s’esclaffa et répondit que non, qu’elle avait l’âge de son cœur et que, par conséquent, cela contribuait à la garder en pleine forme physique. Elle affirma en rigolant que, comme elle avait plus de temps pour elle-même maintenant, elle pouvait également s’occuper à faire des choses qu’elle n’avait jamais pu ou osé faire auparavant.

Dans le même ordre d’idée, j’ai également lu dernièrement dans le journal qu’un homme de quatre-vingt-dix ans avait décidé de célébrer son anniversaire en sautant en parachute. Il aurait pu en crever, disaient certains, mais il leur rétorquait en riant que cela lui importait peu, qu’il avait le cœur suffisamment jeune pour oser se dépasser, ne serait-ce qu’une dernière fois avant de mourir.

Le sexe ne meurt pas non plus avec l’âge, rassurez-vous ! Le désir peut-être, mais pas la capacité de jouer, encore moins de jouir. J’ai connu bien des octogénaires qui se targuaient d’avoir encore une vie sexuelle active, faisant ainsi taire les présumés experts et leur théorie de la gravité… Hi ! Hi ! Hi ! Par contre, ces personnes insistaient beaucoup sur l’importance qu’avait prise la tendresse dans leurs relations amoureuses. La maturité nous incite donc à remplir constamment notre être, et cela peu importe notre âge, de mille et un plaisirs, petits et grands : rencontrer de nouvelles personnes, jouer avec ses petits-enfants, vivre des passions non vécues, enfin s’amuser de tout. N’est-ce pas là la beauté de vieillir… en beauté !

La maturité, c’est quand on sait briller

Sans que cela ne paraisse

Au cœur de la pénombre

Faire éclater les ombres

Par nos sourires tout bêtes

(Suite et fin du texte au prochain numéro)

 

Visitez notre page Gratitude

Visitez-nous sur notre page Facebook

 

 

 

 

 

 

La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie), La maturité : un cadeau inestimable (2ème partie)