En « trouple » depuis 25 ans

Vie de couple modèle, inébranlable duo fondé sur l’amour. Puis, après 15 ans, bascule instantanée des priorités, remise en question totale des fondements même de l’amour et du couple. Regard sur une passionnante expérience-pilote relationnelle sur l’air des Trois Mousquetaires.

Écouter son cœur

Septembre 1993. Ma femme adorée, avec qui je suis en couple depuis 1978 et avec qui j’entrevois passer le reste de mon existence, m’apprend qu’un autre homme occupe continuellement ses pensées depuis trois mois. Surprise totale. Comment réagit-on dans pareilles circonstances? Fondamentalement de deux façons : par peur ou par amour. Parallèlement, un autre choix s’offre à moi : suivre le relationnellement correct édicté par la société ou écouter mon cœur. J’ai opté pour la seconde voie. Et je m’en suis toujours félicité.

Si j’avais eu peur de perdre l’amour de Marie et de me retrouver seul, je me serais aussitôt senti menacé dans mon territoire conjugal. Si j’avais craint de perdre le contrôle de notre union, je me serais cabré, rebellé. Si j’avais considéré ma conjointe comme ma propriété, j’aurais pu réaffirmer ce droit, en utilisant les menaces au besoin. Et comme notre société me l’avait enseigné, j’aurais pu pousser Marie à un choix déchirant : lui ou moi. J’aurais pu partir sur-le-champ, ou lui demander de le faire. À combien de personnes est-ce effectivement arrivé?

L’amour sans possessivité

Il n’en fut rien. En effet, selon mon expérience, l’amour véritable ne se conjugue d’aucune façon à la possessivité, à la jalousie et au contrôle, des émotions qui relèvent essentiellement de la peur, causée principalement par un manque de confiance en soi reporté sur l’autre, souvent issu de blessures de trahison ou d’abandon vécues dans l’enfance. Je savais déjà que l’amour véritable ne meurt jamais, ce que ma conjointe a aussitôt confirmé par un « Je t’aime encore! » Perdre l’amour de Marie étant pour moi impossible, j’ai pu conserver ma neutralité devant ce surprenant aveu, qui reflétait tout son désarroi. Au fond, elle me demandait de l’aider, me laissant toute latitude dans la poursuite des événements. Profondément ému de sa confiance (l’amour n’est-il pas confiance?), j’ai résolu de l’appuyer inconditionnellement dans l’expérience qu’elle vivait, poussé par un intense désir de voir de nouveau le sourire réapparaître sur son visage.

Impossible oubli

Lorsqu’elle est revenue de son premier rendez-vous avec Denis, une immense tristesse dans les yeux (car il avait refusé de répondre à son amour), j’ai assisté, pendant de longs mois, à l’impossible défi de l’oubli que tentait de relever Marie. Pour respecter son engagement à mon endroit, elle s’était juré de sortir cet homme de sa mémoire. Après mûre réflexion, j’ai décidé que la négation de son destin n’était pas digne de l’amour que nous nous témoignions. Le fait de voir ma conjointe penser malgré elle à un autre était une perspective que je n’avais nullement envie de vivre, même si cela m’aurait permis de la « garder » pour moi seul. Ma perception est que les êtres sont beaux lorsqu’ils s’expriment au meilleur d’eux-mêmes dans la liberté.

Un nouvel horizon

Aussi l’ai-je poussée à reprendre contact avec cet homme, qui est finalement entré dans notre vie, devenant instantanément mon meilleur ami, sans aucun effort de ma part. Puis j’ai choisi consciemment de leur laisser l’exclusivité sexuelle, étant moi-même libre d’exprimer ma sexualité en dehors de mon couple. Mais au fond de moi, je sentais que j’avais peut-être rendez-vous avec une autre femme, dont l’entrée en scène ferait du trio un quatuor, un triangle devenue tétraèdre.

J’étais devenu un célibataire en couple, car notre lien existait toujours, l’amour entre Marie et moi s’étant intensifié. Un amour pur, de celui qui unit les âmes, et non une amitié, comme beaucoup le croient volontiers, quoique j’estime désormais que l’amitié, telle que perçue dans notre société, est ce qui se rapproche le plus de l’amour véritable. Mieux, la présence de Denis faisait ressortir des facettes d’elle qui m’étaient inconnues, ce qui la rendait encore plus belle à mes yeux. Je voyais l’amour se multiplier autour de moi et surtout à l’intérieur de moi. Jamais dans ma vie je n’avais ressenti pareille harmonie. Dire que si j’avais su à l’avance ce qui approchait, j’aurais refusé net! Je n’étais nullement conditionné à cela : dans mon esprit socialement programmé, nous étions deux pour le reste de nos jours. Même qu’un an avant l’entrée en scène de Denis, je m’étais objecté fortement devant une voyante qui m’avait spontanément révélé, lors d’un salon de l’ésotérisme, que Marie aimerait un autre homme. « Je vois que tu n’es pas prêt à entendre ces choses… », avait-elle conclu.

Du long terme

Depuis 25 ans maintenant (et 22 ans sous le même toit, loin d’une passade, n’est-ce pas?), Denis, Marie et moi partageons notre quotidien, nos joies, nos rêves et notre amour, qui ne cesse de grandir. Constater tout l’amour qui unit Marie et Denis n’enlève non seulement rien à la force du lien qui m’unit à elle, mais ajoute à mon bonheur. Quoi qu’il en soit, toute relation entre deux êtres est unique et exclusive, peu importe le cadre. Et j’avais le pouvoir d’empêcher cette extraordinaire complicité, l’une des plus belles qu’il m’ait été donné d’observer dans cette vie!

Beaucoup s’imaginent toutes sortes de scénarios dans leurs tentatives d’expliquer ce que nous vivons. On pense inévitablement à la sexualité. À cet égard, je me permets seulement de préciser que chacun de nous dort dans des chambres séparées, et moi sur un étage différent étant donné ma nature plutôt solitaire. D’ailleurs, même s’il y a toujours deux personnes qui rentrent le soir à la maison, je suis la plupart du temps tout fin seul à longueur de journée à titre de travailleur autonome. N’oublions pas non plus les avantages qu’il y a à partager les tâches et contraintes du quotidien dans le cadre d’une micro-communauté. La qualité de vie s’accroît d’autant… En trio, c’est vraiment trois fois plus facile, si chacun souhaite le bonheur des deux autres, cela va de soi.

Le sens de toute une vie

Ceux et celles qui estiment que j’ai beaucoup perdu et qui pensent que je flirte probablement avec le masochisme ou une piètre étanchéité de mon territoire relationnel ignorent que cette histoire m’a permis de retrouver spontanément qui je suis, et qu’elle a été le déclencheur de la découverte du sens profond de ma vie : rappeler aux gens que seule la peur fait souffrir, et que l’amour véritable n’est que joie et confiance, et qu’il ne meurt jamais. Pour avoir aimé d’autres femmes, j’ai eu la confirmation qu’il est effectivement possible d’aimer deux personnes à la fois… Et que lorsque la preuve est faite, il n’y a plus rien ni personne pour vous convaincre du contraire. L’amour multiplie, je le constate concrètement.

Il ne saurait être question de vouloir être un exemple. Je ne diffuse cette histoire que pour témoigner qu’il est possible de vivre ainsi dans l’harmonie. Dans le respect du libre arbitre, je propose, et les gens disposent… à leur guise. Vivre et laisser vivre!

Gilles Levasseur

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