Le mandataire indigne ou quand le crime ne paie pas

Madame Germaine, riche veuve, a nommé son fils Clément, son mandataire, en vertu d’une procuration générale et d’un mandat en prévision de son inaptitude. Par cette procuration et ce mandat de protection, Clément gère et administre tous les biens de sa mère.

Clément a malheureusement décidé de tirer les marrons du feu. Pendant qu’il est mandataire, il profite de l’état de santé chancelant de Germaine pour se verser des sommes importantes, soit environ 250 000 $.

Après le décès de Germaine, son autre fils, Guy, constate qu’une large partie de l’héritage de sa mère est partie en fumée. Le frangin poursuit son frère, alléguant que Clément s’est approprié illégalement des sommes appartenant à leur mère. Il invoque les capacités intellectuelles diminuées de Germaine au moment où elle a signé des chèques, libellés au nom de Clément.

Le mandataire, pour sa part, prétend que sa génitrice lui a fait des donations. Malheureusement pour ce dernier, le dossier médical de sa mère démontre clairement que celle-ci était dans l’incapacité intellectuelle d’acquiescer à ces largesses.

La loi prévoit que tout administrateur du bien d’autrui est tenu d’agir avec prudence et diligence. Il doit se comporter avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt de la personne représentée et éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts. Tant et aussi longtemps que l’inapte est vivant, il ne peut distribuer l’héritage à venir, même si cela est fait avec l’accord de tous les héritiers et de la personne inapte.

Guy demande à la Cour non seulement de condamner Clément à rembourser les sommes diverties, mais aussi de déclarer Clément indigne.

L’article 621 du Code civil du Québec nous explique qui peut être déclaré indigne :

  1. Peut être déclaré indigne de succéder :

1°Celui qui a exercé des sévices sur le défunt ou a eu autrement envers lui un comportement hautement répréhensible;

2°Celui qui a recelé, altéré ou détruit de mauvaise foi le testament du défunt;

3°Celui qui a gêné le testateur dans la rédaction, la modification ou la révocation de son testament.

Dans cette affaire, le tribunal a estimé que le comportement de Clément était hautement répréhensible. Il ne s’agissait pas d’une simple faute dans son parcours de mandataire, mais d’une administration frauduleuse. Pour la cour, l’expression « comportement hautement répréhensible » comprend les cas de malversation comme les manœuvres malhonnêtes de Clément. Par ailleurs, le juge est d’avis qu’une administration fautive n’entraîne pas l’indignité successorale. Une personne maladroite ou qui commet une erreur ne peut être déclarée indigne. Non seulement le tribunal condamne Clément à rembourser les sommes illégalement appropriées avec les intérêts, mais le déclare aussi indigne. Ce qui signifie que Clément ne pourra hériter de sa mère Germaine. Les mandataires trop souvent gèrent les avoirs des personnes dont ils sont responsables comme leurs propres biens. Cela peut leur jouer de vilains tours. L’honnêteté et la rigueur sont de mises si vous gérez les affaires d’un proche.

Cette chronique est largement inspirée de l’affaire Ouellet c. Ouellet 2015 QCCS 3746

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